Genou

Le genou est l’articulation qui souffre le plus de l’HLF. La désynchronisation (décalage dans le temps) durant la marche du passage de pronation en supination et vice versa impacte obligatoirement le genou. En effet, la synchronisation inter-articulaire oblige le tibia à se positionner en rotation interne en pronation du pied et en rotation tibiale externe lors de la supination.

Le décalage induit par l’HLF provoque sur le genou des contraintes rotatoires anormales et par un déclenchement tardif de la contraction du quadriceps une instabilité de l’appareil extenseur (rotule et tendon rotulien). Le moment de flexion est augmenté et les haubans musculaires latéraux sont davantage sous tension pour tenter de corriger le déséquilibre. L’HLF est ainsi responsable de plusieurs syndromes douloureux et prédispose à certaines lésions ménisco-ligamentaires du genou.

Généralités

Pour comprendre l’implication de l’HLF dans les problèmes de genou, il faut situer l’articulation du genou dans le contexte global du membre inférieur et le placer dans le mouvement en analysant son fonctionnement à la marche. Le genou est une articulation condylienne qui à la marche est pratiquement fixée en rotation par la contraction du muscle poplité au moment où le talon touche le sol. Ainsi, à la marche, la composante de rotation du genou est négligeable. Celle-ci peut en revanche s’exprimer pleinement en flexion où le rayon des condyles est plus petit, l’appareil capsulo-ligamentaire moins tendu et les ménisques plus libres de mouvement.

Le genou fonctionne donc à la marche comme une articulation charnière à l’image de la cheville. La composante rotatoire est donnée par la hanche en amont et par la sous-talienne en aval. Ces deux articulations par leurs points communs anatomiques sont appelées « ball-in-the-socket joints » par les anglo-saxons, coxae pedis et femoris par le Professeur Pisani qui a merveilleusement expliqué l’implication de la coxa pedis dans la mécanique de la marche. Les deux articulations sont interdépendantes. En cas de blocage de l’une d’entre elles, l’autre doit suivre le sens imposé du mouvement ou tenter d’y résister par la force des muscles stabilisateurs. C’est précisément ce qui survient dans l’HLF où la sous-talienne est bloquée. La hanche est entrainée en rotation interne (medial collapse) lors de la phase d’appui et en rotation externe en phase taligrade avec un bras de levier fessier qui perd ainsi de son efficacité. Et le genou dans tout ça ? Il est pris dans une spirale infernale, mal positionné en rotation avec une musculature mal synchronisée qui le protège mal et il subit. Le genou est souvent le fusible de ce dysfonctionnement et c’est sur lui que se répercutent les douleurs. Il est aussi plus vulnérable et exposé aux entorses.

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Syndrome rotulien

Le syndrome rotulien se définit comme une douleur de type mécanique ressentie à la face antérieure du genou. Les sollicitations en compression comme l’accroupissement, la montée – descente des escaliers ou la position assise prolongée sont des facteurs déclenchant ou aggravant du syndrome. Les activités répétitives telles que la course à pied font flamber les douleurs au point qu’il n’est plus possible de la pratiquer. Les douleurs cèdent au repos et sont réversibles même si elles peuvent persister assez longtemps après l’effort à l’instar des douleurs présentes dans le syndrome de la bandelette ilio-tibiale auquel le syndrome rotulien peut être associé.

Le syndrome rotulien touche par prédilection une population souvent jeune, active ou sportive, plutôt féminine que masculine. Dans une consultation spécialisée du genou ou de médecine du sport, le syndrome rotulien représente à lui seul 25 à 40 % des motifs de consultation.

La douleur peut être le seul symptôme ou être associée à des sensations de lâchage ou de crochage sans qu’il s’agisse pour autant d’une instabilité rotulienne avec appréhension de luxation. L’épanchement est rare. Le diagnostic est souvent posé par exclusion et les examens radiologiques ne montrent généralement rien d’anormal sinon à l’IRM parfois un œdème transitoire du cartilage rotulien. Aucune corrélation n’a pu être établie entre les lésions cartilagineuses et les douleurs et le terme de chondropathie rotulienne n’a plus cours aujourd’hui pour définir ce syndrome qui n’évolue pas vers l’arthrose.

Sur le plan thérapeutique, il n’existe pas réellement de consensus. De nombreux travaux ont été publiés qui ont montré des résultats encourageants avec une prise en charge globale basée sur l’étirement et le gainage. Les supports plantaires ont parfois un effet bénéfique. Malheureusement, l’amélioration est souvent transitoire et les récidives fréquentes. En l’absence d’entrainement régulier les douleurs reviennent et obligent les patients à changer leurs habitudes sportives et leur mode de vie.

Le syndrome rotulien reste à ce jour un sujet à controverse sans explication valable quant à son étiologie. On a impliqué des facteurs prédisposant tels l’hyperlaxité constitutionnelle ou une antétorsion fémorale forte mais il s’agit d’un problème multifactoriel. Un désordre fonctionnel est à l’origine du syndrome et l’explication ne peut être trouvée que par l’analyse du mouvement.

La perte du synchronisme interarticulaire physiologique de la marche est provoquée par une entité clinique mal connue et peu recherchée : L’Hallux Limitus Fonctionnel (HLF). En la recherchant systématiquement depuis 20 ans, j’ai constaté que cette entité est présente et peut être diagnostiquée dans tous les cas de syndrome rotulien.

Si l’on reprend la cartographie des douleurs dans le syndrome rotulien : contrairement au syndrome d’hyperpression externe, les douleurs sont antéro-internes (médiales) et apparaissent pendant l’effort en particulier à la course. Elles peuvent être si violentes qu’elles obligent à l’arrêt de l’activité. Si, par la suite, le repos sportif est observé, les douleurs disparaissent d’elles-mêmes. L’explication de ces douleurs réside dans l’apparition d’un œdème osseux transitoire situé sur le versant interne de la rotule. Celui-ci est lié à la répétition de contraintes en pression et cisaillement qui surviennent lors de l’impact du pied au sol, pourquoi ? L’HLF provoque une désynchronisation à la marche qui entraîne une contraction différée du quadriceps à l’atterrissage du pied au sol. La rotule à ce moment précis n’est pas appliquée sur le versant externe de la trochlée comme elle devrait l’être mais « flotte » et se trouve brusquement plaquée sur le versant interne de la trochlée au moment où le quadriceps se contracte, trop tard. Le syndrome rotulien doit être compris comme une dysfonction globale induite par l’HLF qui se consomme sur la fémoro-patellaire.

Parallèlement aux douleurs articulaires, les douleurs peuvent exister en périphérie du genou en particulier sur les tendons. Les plus exposés sont la bandelette ilio-tibiale (cf syndrome douloureux de la bandelette ilio-tibiale ou syndrome de l’essuie-glace) et les tendons de la patte d’oie situés sur la face interne du plateau tibial. Pourquoi ces tendons ? parce qu’ils tentent de lutter contre la rotation externe excessive du tibia associée à une supination exagérée lors de l’impact du pied au sol induite par l’HLF. Les forces sont particulièrement importantes puisqu’elles s’exercent sur un mode excentrique (freinage du mouvement). Les patients ne se plaignent que rarement de ces douleurs mais on les retrouve de manière constante à la palpation si on les recherche.

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Déchirure du ligament croisé antérieur

Les lésions ligamentaires du genou impliquant le LCA représentent entre 100’000 et 200’000 cas par année aux USA selon une étude récente publiée en 2020 par l’université d’Harvard. 75% des entorses surviennent lors de traumatismes sans contact dans des activités sportives sollicitant des mouvements en pivot comme les sports de balle, de glisse, de combat ou la gymnastique. L’entorse survient lors d’une décélération brutale associée à un changement de direction qui déséquilibre le genou ou à la réception d’un saut suivie par un lâchage du genou en valgus. Ce mouvement brutal est dû à une bascule du pied en pronation qui entraîne le genou dans une spirale infernale en valgus-rotation tibiale interne, « le medial collapse » du genou.

Ce mécanisme est à l’origine de la plupart des déchirures du ligament croisé antérieur du genou. Or, le point de départ de cette brusque bascule du pied en pronation est une caractéristique de l’HLF que l’on a mise en évidence par l’analyse de l’empreinte du pied au sol lors de nos bilans de marche sur tapis connecté. Aujourd’hui, pour une population à haut risque de récidive, nous préconisons d’associer une ténolyse du FHL à la reconstruction du LCA pour améliorer le pronostic du genou. Une étude rétrospective sur plus de 120 cas est en cours pour évaluer les résultats à moyen terme de cette association.

Articles scientifiques

Syndrome douloureux de la bandelette ilio-tibiale

Le syndrome douloureux de la bandelette ilio-tibiale appelé aussi syndrome de l’essuie-glace ou « Runner’s Knee » est l’expression même de l’interaction entre le pied et le genou dans le mouvement. Ce syndrome douloureux apparaît principalement à la course d’où la dénomination anglaise de genou du coureur à pied. Les douleurs siègent électivement sur le versant externe du genou où une bandelette tendineuse vient frotter le relief osseux du fémur (condyle externe) et créer l’inflammation (bursite). Ce frottement se fait d’avant en arrière en flexion et d’arrière en avant en extension du genou d’où le nom de syndrome de l’essuie-glace.

La bandelette ilio-tibiale est appelée ainsi à cause de son aspect anatomique analogue à une bande de store d’une largeur de 3 à 4 cm. Elle a son origine sur la crête iliaque au bassin et son attache distale sur le plateau externe du tibia. Cette structure anatomique fonctionne comme un véritable hauban externe et stabilise à la fois la hanche et le genou. Certaines morphologies peuvent prédisposer au syndrome comme des jambes en X ou en O, une hyper-laxité naturelle (souplesse articulaire excessive), un manque de souplesse musculaire ou un relief osseux prononcé. MAIS, ce syndrome apparaissant dans le mouvement et surtout à la course ou à la marche en descente, il est naturel de trouver une explication biomécanique à cette affection.

L’HLF est présent dans tous les cas de syndrome douloureux de la bandelette ilio-tibiale et joue un rôle majeur dans l’apparition des douleurs. L’attaque du pas sur le bord externe du talon et l’impact plus fort mettent une tension supplémentaire sur la bandelette et les forces de friction sont plus importantes. La répétition du mouvement crée entre le tendon et l’os une inflammation du plan de glissement, une bursite douloureuse. L’arrêt de l’activité sportive en cause permet le plus souvent la résolution des symptômes mais ceux-ci récidivent en cas de reprise. Les douleurs sont parfois plus fortes le jour après l’effort et peuvent s’accompagner d’une boiterie transitoire. Le traitement conservateur proposé pour l’HLF est le plus souvent efficace. Pour les coureurs, une analyse du mouvement sur tapis de marche et un bilan podologique dynamique peuvent s’avérer utiles pour la poursuite de l’activité dans les meilleures conditions possibles.

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IMAGERIE

Découvrez les avancées scientifiques autour du HLF

Depuis plus de vingt ans, la compréhension de l’Hallux Limitus Fonctionnel (HLF) a évolué grâce à un travail de recherche clinique rigoureux et à l’expérience de terrain de spécialistes engagés. Le Congrès Medicol 2023 a marqué une étape importante dans la reconnaissance de cette pathologie, en réunissant des experts internationaux autour de thématiques clés : biomécanique, diagnostic, imagerie, traitement conservateur et chirurgie endoscopique.

À travers une série de conférences, d’ateliers et de cas cliniques commentés, ce congrès offre une vision complète et actualisée du HLF, accessible aux professionnels de santé comme aux personnes concernées.

Accédez librement aux vidéos du congrès pour approfondir vos connaissances et découvrir les implications concrètes du HLF sur la santé locomotrice.

Congrès Medicol

Hallux Limitus Fonctionnel:
Un nouveau paradigme

31 mars 2023
Musée Olympique -Lausanne